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qu’y puis-je ? Devrais-je modifier la réalité pour leur faire plaisir ? Pour
qu’une partie du monde occidental entende ce qu’elle a envie
d’entendre ?
Dire que les conditions de vie à Gaza sont insoutenables et inhumaines
ne relève pas du jugement, ni de la prise de partie. C’est un constat. Je
n’ai pas rencontré chacun des habitants de Gaza. Mais de tous ceux à qui
j’ai parlé, pas un n’a pu me raconter sa vie sans qu’un drame lié au
gouvernement israélien n’intervienne. Pas un seul.
Si un journaliste quelconque, venu à Gaza, peut prétendre le contraire, je
suis toute disposée à entendre un discours différent du mien. Qu’on
vienne me prouver que Gaza, ce n’est pas des familles déchirées par un
blocus, des milliers de femmes et d’enfants morts sous les bombes, des
paysans dépossédés de leurs terres, des hôpitaux sans moyens, des
réfugiés sur trois ou quatre générations.
Je suis payée pour être vos yeux, vos oreilles
Couvrir Gaza, c’est devoir se battre pour faire son métier. Toute
information qui sort d’ici est immédiatement remise en cause. Parce
qu’elle vient de Gaza. Que Gaza est une honte pour l’humanité mais que
les responsables de cette situation sont puissants et que la vérité rendue
publique les gêne.
Les gouvernements occidentaux invoquent les droits de l’Homme quand
ça les arrange.
A une prétendue objectivité aseptisée et hypocrite, je préfère une
honnêteté nue, sans fard et humaine. Je suis payée pour être vos yeux et
vos oreilles là où vous ne pouvez être. Est-ce ma faute si la réalité que je
rapporte va à l’encontre de certains agendas politiques ?